Ce que les élèves retiennent du récit national actuel

Une étude basée sur une grande enquête auprès des élèves rejoint une bonne part des analyses des livres L’histoire fabriquée? et L’histoire politisée ? :
Le récit national n’est pas mort, mais il est dépersonnalisé et désincarné; on ne parle plus tellement des actions de ses héros.
Il reste cependant national en continuant à laisser de côté ce qui « divise » : les régions, les luttes de classes ou la démocratie directe et sociale, la domination coloniale et la présence catholique dans l’histoire de France.
Il faudrait pourtant en arriver à une histoire qui sache montrer les élans, les choix et les divergences ou les compromis de l’histoire de France.

Extrait d’interview :

« A l’encontre de ce que disent bien des politiques…, les jeunes de manière générale entretiennent une relation affective et admirative avec ce qu’a été leur nation…
De grands personnages reviennent de façon massive. Si on les compare au Panthéon précédent finalement on retrouve Louis XIV, Charlemagne, Napoléon et Louis XVI en tête de classement. Les grands personnages sont toujours mobilisés par les élèves.
Cependant, B Falaize et L de Cock, qui ont travaillé pour le livre sur cette question, montrent que ces personnages sont convoqués plus comme des icones que pour les actes qui leur sont attribués. Ils sont beaucoup cités mais leurs actions peu explicités.
On avait l’hypothèse de différences de récits selon les régions, par exemple en Corse ou à La réunion. … au final on a affaire à un récit très nationalisé. La spécificité des îles n’apparaît pas massivement. …
La France, qui a existé de tout temps sur le même territoire, depuis la Gaule, a connu beaucoup de guerres et de rois qui ont abusé. Face à eux le peuple s’est révolté. Cela a abouti à la démocratie comme une sorte de « happy end » de l’histoire.
On est marqué par des absences. Dans le livre vous montrez l’absence de l’histoire coloniale. Mais on peut aussi souligner l’absence de l’histoire ouvrière. Comment l’expliquer ?
L’histoire coloniale est plus présente que la dimension sociale. Elle apparaît dans 300 récits. Mais c’est quand même fort peu.
Quant à l’histoire sociale, elle est écrasée par la notion de « peuple ». Les groupes sociaux ne sont que fort peu présents dans les récits.
Par contre pour les tenants du roman national, il faut préciser que ce récit est très laïcisé. On n’est pas dans le récit des origines chrétiennes de la France… Finalement le récit est très républicain.
Mais est -ce un récit qui aide à la construction du sentiment démocratique ?
Les élèves citent beaucoup la démocratie mais surtout à propos du vote. La démocratie pour eux c’est voter. La délibération, la démocratie sociale ils ne les évoquent jamais.
Françoise Lantheaume, Jocelyn Létourneau (dir), Le Récit du commun. L’histoire nationale racontée par les élèves, P.U.L., ISBN978-2-7297-0907-5