Comment parler des sujets tabous à l’école ?

Le professeur d’histoire géographie qui rapporte sur France 2 qu’un élève a dit à propos de Léon Blum « Qu’il crève ! » explique qu’il a répondu « C’est un appel au meurtre, c’est très grave. »
Il dit au journaliste de France 2 : « Mon métier, c’est lutter contre ces propos, ces représentations, ces constructions intellectuelles qui fragmentent et fracturent la société. »

Faire la morale ne suffit pas. Il n’est pas simple pour un professeur de l’enseignement laïc de sortir du discours historique pour rentrer dans le domaine moral en disant qu’il est « grave » de souhaiter la mort d’un Juif. On ne peut le dire sans affirmer ouvertement un choix de valeurs morales. Certains trouveront l’interdit du meurtre dans le fait que les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit, d’autres dans la révélation biblique. Cela risque de ne pas suffire pour ceux qui se rattachent à d’autres hiérarchies de valeurs.

Ce que peut apporter l’histoire. Elle peut nourrir le choix du respect de la personne humaine par une réflexion sur les conséquences historiques des meurtres de masse.

En tant qu’enseignant, j’ai toujours constaté que la tension disparaissait autour d’une question sensible quand je l’abordais d’une manière nuancée et pluraliste. On peut commencer par reconnaître la part de vérité présente dans une accusation, par exemple à propos de la traite négrière. On peut continuer en faisant réfléchir sur la part d’exagération qui se glisse dans les revendications victimaires. Parmi le « nous » des victimes de l’esclavagisme, il y a aussi des complices et parmi le « vous » des européens, il y a aussi ceux qui ont voulu adoucir ou supprimer l’esclavage. Il est aussi nécessaire de présenter aux élèves les actes, les discours et les perceptions de l’autre. Le manuel Nathan / Le Quintrec de terminale le fait très bien à propos du conflit israélo-palestinien.

Sans l’approuver, on peut aussi faire comprendre la logique des systèmes meurtriers pour que les élèves puissent choisir de les refuser, rationnellement et en connaissance de cause.