La voix est libre / Radio Notre Dame : Existe t’il toujours une histoire de France ?

Mardi 26 novembre 2013.
« Existe t’il une seule histoire de France? »
Emission d’Alexandre Meyer, « La voix est libre » sur Radio Notre Dame : Jean Sévillia et Vincent Badré.
Ecouter l’émission
Thèmes et textes évoqués :

L’histoire passionnée de la France, par Jean Sévillia.

Nécessité d’un regard pluraliste sur les personnages historiques.
« Sortir de l’unilatéralisme peut être un moyen de guérir la mémoire nationale en assumant la diversité des faits [et des régions] qui la composent. Montrer que Jeanne d’Arc n’a pas seulement été une personne qui a augmenté le rôle de l’État en France, une sainte ou une fille du peuple, mais un peu de tout cela, dans des proportions difficiles à mesurer. »
Vincent Badré, dans la revue Le Débat. 

(Jeanne d’Arc, figure « de gauche », une femme du peuple victime des puissants).

Peut on retrouver des personnages « modèles »?
Dans une histoire qui n’oublie pas les actions des hommes, des saints et des saintes ou des justes, des héros et des hommes ordinaires, il est possible d’alimenter une réflexion morale sans tomber dans le moralisme.
Sans forcément approuver les choix des hommes du passé, on peut les découvrir dans leurs particularités et dans leurs aspirations.

L’ébéniste Brousse, un communard :
« Ouvrier menuisier ébéniste à l’âge de 18 ans, je quittais mes foyers pour faire mon tour de France, travaillant le jour, étudiant la nuit : l’histoire, voyages, philosophie, économie sociale et politique, …. Arrivé à Paris en 1864, je m’établis deux ans après ébéniste réparateur 2, rue Joquelet, J’occupais 1 à 3 ouvriers, je les payais 50 c. par jour plus cher que le prix officiel et je leur faisais la propagande par-dessus le marché. J’ai pratiqué l’association tant que j’ai pu. » Source : Cliotexte.

Blaise Cendrars, suisse et engagé volontaire dans la première guerre mondiale:
Des étrangers amis de la France, qui pendant leur séjour en France, ont appris à l’aimer et à la chérir comme une seconde, patrie, sentent, le besoin impérieux de lui offrir leurs bras.
Intellectuels, étudiants, ouvriers, hommes valides de toutes sortes – nés ailleurs, domiciliés ici – nous qui avons trouvé en France la nourriture de notre esprit ou la nourriture matérielle, groupons-nous en un faisceau solide de volontés mises au service de la plus grande France.
Source : Appel aux étrangers vivant en France.

L’histoire au Journal de 20 heures sur France 2 : Débat sur la disparition de la chronologie.

Reportage : « Depuis plusieurs années, une approche thématique est privilégiée. Plusieurs grands noms de l’Histoire française demandent aujourd’hui un retour à la chronologie. Pour eux, les élèves manquent de repères. … Jusque dans les années 90, l’enseignement de l’histoire était chronologique. A gauche, un manuel de 1994, à droite, un manuel de 2012. Dans le premier, les chapitres s’enchaînent chronologiquement. On y étudie la guerre de 14-18 puis la révolution russe de 1917 et enfin la crise de 1929. Dix ans plus tard, le contenu est chapitré par grands thèmes. La crise de 29 est ainsi traitée avant la guerre de 1914-18 et avant la révolution russe de 1917.

Pour certains profs d’histoire, le risque est de perdre en compréhension. (Hubert Tison de l’APHG) Exemple avec la Seconde Guerre mondiale. Ça commence par les grandes phases, mais les raisons ? On n’en sait rien. Il y a l’expansion de l’Allemagne nazie. Les raisons, vous les trouvez plus tard. On les trouve dans le thème « Les totalitarismes ». Tout est mélangé, il faut emboîter les choses autrement, c’est difficile pour un professeur et les élèves sont perdus.

Mais selon marc Ferro, inutile d’apprendre par cœur une litanie de (nombreuses) dates. L’important est de comprendre l’enchaînement des évènements. Il faut quatre ou cinq points d’ancrage, pas plus. Il y a pour le Moyen Age les invasions, les croisades, Saint-Louis. »

Source et image : Transcription du texte du reportage de France 2 sur le sujet, qui provoque la colère du blogueur prof d’histoire de Rue 89, qui nie le fait que bien des manuels adoptent une approche thématique de la succession des chapitres, mais aussi à l’intérieur des chapitres et de l’enracinement des dates et des personnages dans le déroulement du cours.

L’histoire au Journal de 20 heures sur France 2 : La peur de se tromper.

« Aïe, je suis interrogée ! », le regard part vert le haut, petit sourire gêné. En quelques images, le reportage de France 2 montre une réalité très répandue chez les élèves, la peur de faire une erreur.
-Vous avez vu la Révolution française ? C’est quand ?
-Je ne sais plus.
-L’affaire Dreyfus, avant ou après Napoléon.
-J’sais plus, après j’crois ? Non ?
Le regard part vers le haut et la réponse se fait hésitante. La seconde élève a donné la bonne réponse, mais craint encore de s’être trompée. Pour sortir de ce grand flou déstabilisant, il faudrait un enseignement plus explicite, chronologique et progressif. Il faudrait aussi donner plus de confiance en soi aux élèves en soulignant leurs bonnes questions et réflexions et en ne présentant pas les erreurs comme un signe de « nullité » mais comme quelque chose qui peut être réparé.

L’histoire au Journal de 20 heures sur France 2 : La déshumanisation.

Quelques images, un mot entendu en passant, et une des grandes tendances de l’enseignement actuel est mise en images dans un reportage pour France 2. Le professeur montre une gravure de guerre. Il souligne la déshumanisation des soldats dans les tranchées.

Cette perte de substance humaine ne touche pas que les « poilus ». Elle peut aussi toucher un enseignement de l’histoire qui devient partiel. Il ne montrant plus clairement les diverses motivations des soldats et peine à présenter les « héros » qui luttent pour lutter contre une injustice ou pour obtenir une conquête sociale.

20 heures de TF1 Enseignement de l’histoire, royaumes africains et Monomotapa dans « l’histoire fabriquée ? »


Dans ce reportage, Laurent Wirth qui a présidé le groupe d’experts chargé d’élaborer les programmes défend « ce qui fâche » : avoir osé « accorder une place à une civilisation africaine précoloniale » en faisant le choix d’enseigner les royaumes africains du Moyen Age pendant 10% du temps de l’année de 5e.

Le livre « L’histoire fabriquée ? » ne critique pas la bonne idée d’enseigner un peu d’histoire de civilisations extra européennes, mais la manière dont cet enseignement est mis en œuvre.Le programme de 5e a l’avantage de ne pas réduire l’histoire de l’esclavage à la seule traite des noirs par les européens. Il montre en effet des royaumes musulmans vendant des esclaves noirs aux arabes. Ce programme a cependant le défaut d’oublier les royaumes chrétiens de Nubie et d’Ethiopie qui existaient aussi au Moyen Age.Mosquée Tombouctou Dans les manuels, la présentation qui est faite des royaumes africains reste européo-centrée. On y cherche ce qui ressemble à l’Europe, des Etats et des monuments. La la manière africaine de raconter l’histoire et les particularités des cultures africaines y sont rarement abordées. (Histoire fabriquée ? pp68-69)
Images, Négriers en terre d’IslamBlog de Tombouctou.