A t’on enfin trouvé un manuel d’histoire féministe ?

L’image des femmes a-t-elle évolué dans ces manuels ? Elles y restent toujours aussi rares, entre 5 et 10% des documents présentant des personnages dans trois des quatre manuels de seconde publiés cette année. Le livre, L’histoire fabriquée ?, signalait qu’on ne trouvait dans les manuels de 2010 aucun exemple de femme de pouvoir ayant vécu au Moyen Age. En 2014, on a discrètement réglé le problème dans trois manuels sur quatre en citant des femmes exerçant les pouvoirs de la seigneurie, mais sans le signaler aux élèves et en oubliant toujours Aliénor d’Aquitaine ou Blanche de Castille.
Un manuel se distingue par son « féminisme » en donnant 28% de documents contenant des femmes. On y trouve, une mendiante, des corporations féminines, les lais de Marie de France chantant l’amour courtois et passionnel ainsi qu’un chevalier chaste parce qu’il se contentait d’une union légitime.

femmes moyen age manuel histoire féministe genderCes beaux exemples ce que les études de genre peuvent donner de plus intéressant sont malheureusement gâchés par deux pages relevant de l’idéologie du Gender. On y trouve Eve, des sorcières, puis une vierge à l’enfant et des exemples de chasteté avant de demander aux élèves pourquoi ce modèle est « inatteignable pour les femmes ». (Nathan Cote pp98-99).
Extrait légèrement modifié d’une chronique publiée dans le numéro de septembre/octobre de la Nouvelle revue d’histoire

Manuels d’histoire, ils insistent sur la soumission des femmes des des XIXe et début du XXe siècle

En dehors de quelques femmes militantes, les exemples choisis par les manuels ne décrivent que les conditions ordinaires des femmes de condition modeste : deux paysannes, sept documents décrivant des ouvrières, deux institutrices, une vendeuse et une dactylo. Epouse, mère et ménagère à la maison dans le cours du XXe siècle, la s’émancipe un peu avec un dossier sur « la féminisation du métier d’avocat. ».

L’image qui est donnée est celle de l’ordinaire et des conditions moyennes, en oubliant les fortes personnalités qui sont sorties de la résignation et ne se sont par contentées d’un rôle limité. Les manuels ni disent rien sur les militantes des mouvements ouvriers, sur les veuves entrepreneures du XVIIIe ou XIXe siècle qui dirigent l’entreprise de leur mari après sa mort, sur les femmes missionnaires au bout du monde ou sur celles qui se sont engagées en politique au sens large , la duchesse d’Uzès ou Louise Michel.

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Les manuels scolaires vus par le Monde diplomatique : une défaite de la raison ?

Le dossier à leur sujet commence par un constat de bon sens « Le recours nécessaire, même pour le meilleur et le plus soigné des manuels, à une certaine simplification représente à la fois le défaut majeur du genre et sa principale caractéristique. Aujourd’hui comme hier, il intègre un biais dans la sélection et la présentation des contenus. [en] histoire … les choix s’opèrent logiquement sur la base des intérêts politiques du moment. »

Les articles suivants n’arrivent cependant pas à donner une idée précise des déformations qui affectent la sélection des contenus choisis par les auteurs de livres scolaires. L’un d’entre eux nie même que ces distorsions puissent avoir la moindre importance, ce qui est contestable. Le Monde diplomatique se contente d’exemples « positifs ou négatifs », sans entrer dans une analyse comparative, rationnelle et nuancée.

La sélection d’extraits de textes critiquant des manuels « marxistes, islamistes, altermondialistes », mais aussi véhicules de la « théorie du genre sexuel » et des critiques de la Ligue du nord italienne n’est suivie d’aucun examen de la véracité de ces critiques.

En sens inverse, un article dénonce l’effacement de l’analyse marxiste dans les manuels d’économie en partant de quelques citations. D’autres citations extraites de manuels promettent l’enfer aux non musulmans pour les petits saoudiens, accusent les arabes d’être responsables du conflit avec israël pour les jeunes américains et demandent à des lycées français « Quels sont les avantages de la libre circulation des marchandises ? ». C’est un curieux amalgame et surtout un raisonnement par un exemple, ce qui ne prouve pas grand chose. Cette question sur le libre échange est tirée d’un manuel qui consacre par ailleurs une de ses biographies et deux documents à Keynes.

Il faut une analyse plus large pour s’apercevoir que les manuels d’histoire actuels consacrent peu de place à la question du libre échange, et généralement avec des documents qui lui sont favorables et sans leur opposer des questions critiques.

Le problème des manuels n’est pas tel ou tel document pris isolément, mais leur tendance à privilégier une seule perspective. Les économistes cités dans les manuels d’histoire sont par exemple très souvent dans le courant dominant de centre-gauche au lieu de montrer aux élèves des lectures inspirées de la lutte des classes, mais aussi des analyses libérales.

Les nuances manquent aussi dans l’analyse du « Diplo », La persistance d’une image très XIXe siècle de la femme à la maison et du mari qui bricole dans les livres de mathématiques est tout à fait réelle, mais l’article ne dit rien du fait que les manuels d’histoire oublient les femmes d’action au Moyen Age et bien souvent aussi de nos jours. [pour aller plus loin, voir les chapitres correspondants dans L’histoire fabriquée ?, toujours disponible en librairie].

Correspondance historique : Margaret Thatcher, une icône féministe oubliée ?

Dans les manuels actuels, le rejet de la relégation par le XIXe siècle des femmes dans la sphère domestique et la dimension sentimentale ne peut se faire que d’une seule manière.

Tous les nouveaux manuels d’histoire de première mettent en avant les intellectuelles féministes de la seconde moitié du XXe siècle, Sept fois sur huit avec Simone de Beauvoir et une fois avec Françoise Giroud.
Seule la moitié d’entre eux montrent aussi d’autres modèles féminins avec une avocates, une académicienne, une aviatrices, des ouvrières du début du XXe siècle, des infirmières ou des syndicalistes.
Pas de femmes de pouvoir, à part Edith Cresson, premier ministre français, qui n’a pas vraiment réussi à s’imposer.

Il n’y a pas un seul manuel pour citer Margaret Thatcher ou une autre femme à poigne comme Golda Meïr ou Indira Gandhi dans le chapitre sur l’émancipation des femmes. Ces femmes n’étaient certes pas féministes, mais elles ont voulu et su montrer qu’elles pouvaient gouverner avec autant d’énergie et de détermination que des hommes.