Tribune libre dans La Croix : Sarkozy et les Gaulois, combat de faux semblants et vraie crise d’identité.

Vincent Badré, professeur d’histoire-géographie
PAR LA-CROIX.COM
Texte complet avec liens à suivre.

Nicolas Sarkozy construit une arme d’instrumentalisation massive sur des apparences. Il déclare qu’à partir du moment où l’on devient Français, «on vit comme un Français et nos ancêtres sont les Gaulois» et nombreux sont ceux qui s’écharpent pour savoir si c’est vrai. Najat Vallaud Belkacem répond en lui faisant un petit cours d’histoire en partie faux lui aussi.

En utilisant les mots « nos ancêtres les Gaulois » Nicolas Sarkozy utilise des mots qui gênent et donne l’impression qu’il est proche des français « de souche » ; mais il parle en fait de la nécessité d’adhésion à une culture quand on obtient la nationalité française.

La polémique.
Najat Vallaud Belkacem est ravie de l’occasion de pouvoir donner pour sa part l’impression qu’elle est du côté de l’histoire véridique de la France de la diversité. Elle continue ainsi une apparence de lutte contre le « roman national » des « petits bonhommes dociles en uniforme récitant le catéchisme d’une France immémorielle et idéalisée » quand les programmes et les manuels d’histoire qu’elle a mis en place n’apportent qu’une légère inflexion dans ce sens.

Nicolas Sarkozy s’est remis au centre des polémiques en touchant un point très sensible, celui du rapport des français aux liens entre parents et enfants. La famille réduite au noyau fondamental des parents et de leurs enfants devient un sujet de passions radicales. Pour Yann Moix elle est insupportable et pour les opposants à la loi Taubira avoir « un père et une mère c’est élémentaire ».

[Les « véritables » identités françaises].
Ce clivage autour de la généalogie se retrouve à propos de l’histoire. La gauche sociétale dit avec Laurent Joffrin que le rappel d’une continuité généalogique majoritaire dans le peuple français est « totalement contraire à la véritable identité française, qui est celle du mélange » et discrimine ceux qui ont une autre origine. Elle reste par cela dans une pensée biologique. Selon Suzanne Citron, la Révolution française « s’est en effet inscrite dans un cadre raciologique, celui de la suprématie du tiers état, descendant des Gaulois sur la noblesse ayant les Francs pour origine » et l’historien Dominique Borne ne veut pas d’un enseignement de l’histoire qui serait généalogique.

La droite assimilationniste s’appuie au contraire sur une définition culturelle de la nation. Nicolas Sarkozy en donne une version radicale en disant qu’il faut « vivre comme un français » quand on le devient. D’autres intellectuels ou politiques ayant une origine en partie lointaine comme lui vont dans le même sens.  Les candidats à la primaire du parti Les républicains ont pourtant du mal à proposer une identité culturelle et un nouveau récit national réellement utilisable. Ils font des listes de personnages historiques à connaître, mais sans expliquer comment faire vivre ensemble racines chrétiennes et laïcité dans une identité heureuse (Juppé), Napoléon III et la IIIe république (Fillon) ou le Musée de l’Immigration et le Musée de l’Armée (Le Maire).

Raconter notre histoire.
Pour retrouver un rapport apaisé à notre identité historique il faudrait passer des oppositions de mémoires à leur conjugaison. Reconnaître sans les opposer les continuités du sol et des villages et les apports extérieurs. Des professeurs d’histoire de terrain comme Mara Goyet montrent qu’il est possible de le faire en racontant l’histoire du roman national et les réalités de notre histoire. Il faudrait devenir capables de faire comprendre les débats du passé, la beauté des points de vue opposés et de nos compromis historiques. Une identité culturelle, ouverte et riche serait capable de Il faudrait aussi penser des degrés d’adhésion libres et variés à une culture commune. Nicolas Sarkozy dit qu’il faut vivre « comme un français », mais il y a plusieurs manières de le faire en s’inspirant de toute la variété des personnages de notre histoire.