Un jugement sur le Procès de Nuremberg : Il a remis en valeur la responsabilité morale personnelle.

Texte du dissident Russe Vladimir Boukovski, écrit dans Un jugement à Moscou , en réfléchissant à la chute des régimes totalitaires nazi et communiste et à la manière dont ils ont été jugés moralement et politiquement :

« Trouvant en elle-même assez de courage pour tenir tête au mal, l’humanité puisa aussi en elle-même assez d’honnêteté pour regarder au fond de son coeur et condamner toutes les manifestations d’esprit collaborationniste [vis à vis du nazisme], pour douloureuse que fût l’opération. C’était plus facile pour des vainqueurs, qui avaient de quoi se vanter et qui avaient moralement le droit de juger ceux qui avaient capitulé.
Le procès de Nuremberg n’est pas irréprochable, il prête à critique, mais il a accompli une oeuvre grandiose : il a restauré des normes morales absolues de conduite humaine ; il a rappelé à un monde désorienté le principe fondamental de notre civilisation chrétienne – la liberté de choix, qui entraîne la responsabilité personnelle devant ce choix. En une époque de folie généralisée et de terreur de masse, il a confirmé cette vérité simple, connue depuis les temps bibliques et égarée dans le magma sanglant du XXe siècle : ni l’opinion de la majorité autour de nous, ni les ordres des chefs, ni la menace de mort ne sauraient nous dégager de cette responsabilité (morale personnelle).
Ce qui se produit aujourd’hui est exactement le contraire de Nuremberg. Le monde d’aujourd’hui n’a pas lieu de se vanter. Il n’a pas trouvé en lui-même assez de courage pour tenir tête au mal [communiste] ni assez d’honnêteté pour se l’avouer.

Géographie, La France en Ville, démission d’un maire de banlieue

Le Monde.fr
mardi 27 mars 2018 – 1767 words
Article à compléter avec celui ci.

Le maire de Sevran démissionne pour protester contre l’insuffisance des politiques publiques en banlieue
Stéphane Gatignon a annoncé sa démission à son conseil municipal mardi soir. Il explique au « Monde » les raisons de son choix. Ariane Chemin, Louise Couvelaire
Maire de Sevran, ville de 50 000 habitants qui compte parmi les plus pauvres de Seine-Saint-Denis, Stéphane Gatignon a été successivement communiste refondateur, écologiste et enfin soutien d’Emmanuel Macron pour la présidentielle de 2017. Ce fin connaisseur des banlieues françaises a annoncé à son conseil municipal, mardi 27 mars, qu’il abandonne son fauteuil de maire, détenu depuis mars 2001. Il explique au Monde les raisons de son départ.

Pourquoi renoncez-vous à votre mandat de maire de Sevran avant son terme ?
J’ai été élu à 31 ans, cela fait donc dix-sept ans que j’exerce cette fonction. Dix-sept ans durant lesquels on s’est battus comme des fous pour transformer Sevran, attirer de grands projets, comme l’arrivée du métro, faire exister la ville en dehors de la rubrique faits divers. Mon but a toujours été de péter le ghetto, mais je crois que, malgré les déclarations qui vont dans ce sens, les gouvernements successifs ne partagent pas cet objectif. On continue à faire de la banlieue un monde parallèle, structuré comme une société précaire qui ne s’en sort que grâce aux solidarités, à la débrouille, à la démerde.

Je pense aujourd’hui que cette situation arrange tout le monde. Alors, à un moment, on fatigue, on perd le jus…
Vous n’y croyez plus ?
En novembre 2012, j’ai mené une grève de la faim pour obtenir le remboursement des sommes dues par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, et de meilleures dotations pour les villes pauvres et notamment pour Sevran. Cette action extrême montrait qu’à ce moment-là j’y croyais encore. …

Aujourd’hui, les villes de banlieue sont tenues à la gorge et on nous traite comme si nous étions aussi riches que Puteaux. La loi de finances 2018 nous impose de ne pas augmenter nos budgets de fonctionnement de plus de 1,2 % : si le gouvernement ne revient pas sur cette mesure, on est morts !

Sevran bénéficie pourtant des investissements liés au Grand Paris ?
Je me bats avec mon équipe pour sortir la ville de cette fatalité de cité-dortoir à laquelle l’Etat semble vouloir l’assigner et monter des projets. Mais que de blocages et de situations sur lesquelles tout le monde ferme les yeux ! Pour les grands chantiers comme le métro, par exemple, nous n’avons pas assez de travailleurs formés : 30 000 sur les 70 000 nécessaires. Nous allons donc faire appel aux travailleurs détachés de toute l’Europe. Ce n’est pas fini. Sur les chantiers de BTP, 30 à 40 % des salariés ne seront pas déclarés. Comme il n’y a plus d’inspecteurs du travail, personne ne contrôle, et tout le monde s’en frotte les mains. Les gens ont besoin de vrais métiers, pas de petits boulots précaires. La banlieue, c’est le laboratoire de la France : il faut la réguler autrement que par le travail au noir.

Depuis 2011 – année où vous aviez demandé l’intervention de « casques bleus » dans votre ville – la situation s’est-elle améliorée ?
Quand je suis arrivé en 2001, j’avais 113 effectifs de police. Aujourd’hui, j’en ai 80, et une seule voiture de la BAC après 23 heures pour Aulnay et Sevran, deux plaques tournantes de la drogue. …
Depuis votre premier mandat de maire en 2001, vous assistez comme partout à un retour du religieux…
Les banlieues sont victimes – et actrices – d’une véritable poussée libérale. Pas parce qu’elles le veulent, mais parce qu’on les a abandonnées. Du coup, les solidarités sur lesquelles les habitants s’appuient pour s’en sortir se communautarisent de plus en plus. Résultat ? Les quartiers se replient chaque jour davantage sur leur communauté ethnique ou locale et donc sur la religion. Aujourd’hui, dans ma ville, tous les lieux de culte sont pleins : les mosquées, mais aussi les églises, et pas seulement évangéliques, les lieux de culte hindouistes, bouddhistes, mais aussi les sectes… Ce n’était pas le cas il y a dix-sept ans. Le religieux redonne un sens face à l’absence de règles et à la précarité, et s’accompagne pour certains d’un fort conservatisme, sur la place des femmes, le rôle de la famille. Je note cependant que nous avons un peu moins de femmes voilées, comme si une sorte d’étiage était atteint.
En septembre 2016, vous avez été pris à partie dans un documentaire de Bernard de La Villardière, sur M6, au sujet d’une mosquée. Que s’est-il passé ?
Je résume. Une salle de prière ouvre dans un quartier. Très vite, des fidèles de la mosquée viennent m’indiquer qu’elle est tenue par des radicaux qui traitent d’apostats les musulmans en discussion avec la mairie. Je découvre que le propriétaire de cette salle aurait été proche du GIA algérien, que le converti qui tient la salle a ouvert un kebab d’où 5, 6 ou 7 jeunes seraient partis vers la Syrie – il y a eu entre 14 et 15 départs pour le djihad à Sevran. La préfecture et la police sont prévenues. Pourtant, après le reportage de Bernard de La Villardière, le directeur du cabinet du préfet de Seine-Saint-Denis a osé dire que la question n’avait jamais été évoquée avec moi.


Une cinquantaine d’élus et de responsables associatifs ont été reçus par Jacques Mézard le 15 mars dans le cadre de la mission confiée à Jean-Louis Borloo, qui doit remettre ses propositions pour les banlieues au président de la République dans quinze jours. Vous avez semblé déçu…
C’est le moins que l’on puisse dire ! Les bras m’en sont tombés. Cette réunion avait pour but de présenter nos travaux et nos propositions dans les domaines de l’emploi, de l’insertion, de l’éducation, de la culture et du sport – je souligne que les thèmes de la sécurité, de la police ou encore des trafics ont été exclus des discussions par le ministère. M. Mézard est arrivé avec plus d’une heure de retard, sans s’excuser, et n’a pas dit un mot;…

Il faut que son gouvernement comprenne que la banlieue, sa jeunesse, son cosmopolitisme, son ancrage dans les technologies, son libéralisme, c’est ça le nouveau monde.
Or les signes ne sont pas encourageants : coupes dans le budget de la politique de la ville en 2017, gel des emplois aidés, décisions défavorables au financement de l’ANRU …

Allez-vous arrêter la politique ?
Comment pourrais-je ? Je suis tombé dedans quand j’avais 15 ans. Je reste conseiller municipal de Sevran, conseiller territorial, conseiller métropolitain, pour être certain que les projets que j’ai portés aboutissent. Mais aujourd’hui, il n’y a plus de place en politique pour des militants comme moi. Je pense que j’ai une bonne expérience, mais ils n’en veulent pas. On verra plus tard…
Ariane Chemin, Louise Couvelaire