Aletheia : Gender dans les manuels, sortir des réactions instinctives.

Interview de Vincent Badré dans Aletheia :
Extraits :

Et en quoi la critique du Pape est-elle finalement fondée, même historiquement ?
Au XIXe siècle, on expliquait que la femme avait des seins, l’homme non et qu’elle devait donc porter les enfants, s’en occuper et rester à la maison. On insistait d’autre part sur le fait qu’elle était trop émotive pour faire de la politique ou diriger quoi que ce soit. En clair, il n’y avait que la nature.
Aujourd’hui, on veut exactement l’inverse : nier la nature, à moins d’être accusé de biologisme.
L’Église offre une troisième voie entre deux visions radicales et excessives en réalité. Saint Paul nous le dit : nous sommes incarnés, faits de chair, mais nous avons également un esprit. Le discours catholique est donc simple : nous sommes corps et esprits et nous devons faire la part des choses.
Nous sommes évidemment déterminés et contraints par notre héritage dans une certaine mesure, mais également libre de nous accomplir en tant que personne. Il faut commencer par accepter ce qui est pour ensuite exercer sa liberté. Il est vrai aussi qu’il y a de multiples manières d’exprimer sa masculinité et sa féminité et l’Histoire est très utile pour le réaliser.
Vous êtes justement professeur d’histoire, quels sont ces exemples ?
Quand Louis devint Soleil: Le Ballet Royal de La Nuit
On peut par exemple parler de Louis XIV qui pleurait comme une madeleine à chaque spectacle auquel il assistait. Il était très émotif, il était couvert de rubans et portait des talons hauts mais personne n’a jamais eu l’idée de lui dire qu’il était une fille !
On a également eu au XVIIe et XVIIIesiècles des femmes qui ont gouverné la Russie, l’Autriche et même la France, et qui n’ont pas laissé que de bons souvenirs à leurs ennemis ! Et pourtant, elles étaient bien des femmes, mais personne ne trouvait ça absurde à l’époque, il a fallu attendre le XIXe siècle.
Donc par l’histoire, on pourrait proposer des ouvertures aux enfants en leur montrant qu’il y a différentes manières d’être homme ou femme, sans leur plaquer un modèle pour en détruire un autre !
Propos recueillis par Charlotte d’Ornellas.
Image : Ballet royal de la nuit.

Théorie du Genre : Le Pape, Najat Vallaud Belkacem et les manuels de collège

Théorie du genre dans les manuels de collège français.
D’après l’enquête et les analyses du livre
L’histoire politisée ? réformes et conséquences, Editions du Rocher, 2016.

En histoire. Ni études de genre ni théorie du genre ou idéologie du genre.
En Education civique : Théorie du genre partout.
Chez les professeurs : Faible succès des formations sur la question du genre. L’application des programmes ou des pages de manuels sur le sujet risque d’être peu fréquente.

En Education civique : Théorie du genre partout.
Présence systématique d’une inversion des modèles « traditionnels » du masculin et du féminin.
Etude réalisée sur les l’ensemble des manuels de 6e et 5e publiés par les principaux éditeurs scolaires : Belin, Bordas, Hachette, Hatier, Lelivrescolaire.fr, Nathan, Magnard.

Objectif ministériel : Assurer l’égalité entre filles et garçons par des orientations qui ne soient pas réduites par l’idée que certains métiers ne seraient pas « faits pour les filles ».
Programmes : L’objectif d’égalité est associé à celui de lutte contre les stéréotypes culturels  attribuant certains rôles aux hommes ou aux femmes (études et théorie du genre) : « Respecter tous les autres et notamment appliquer les principes de l’égalité des femmes et des hommes. Cycle 3 : – L’égalité entre les filles et les garçons. Cycle 3 : – Analyse de certains stéréotypes sexués à travers des exemples pris dans des manuels ou des albums de littérature de jeunesse ou le cinéma. »genre-pape-egalite-nathan-5e-p-320-321-331(Image Nathan 5e, pp 320, 321 et 331)

Modèles masculins et féminins inverses des représentations sociales habituelles.
Tous les manuels étudiés ont choisi de ne présenter que des exemples de modèles d’homme ou de femme inverses des représentations habituelles.
Voir citations ci-dessous.

Jugements de valeurs hostiles aux rôles traditionnels attribués aux hommes ou aux femmes. Ils sont présents dans certains manuels.
Voir citations ci-dessous.

En histoire. Ni études de genre ni théorie du genre ou idéologie du genre.
En 5: Dans les programmes sur le Moyen Age et les manuels correspondants ; Ni études de genre ni théorie du genre ou idéologie du genre.
Très faible présence des femmes en général dans les documents et les exemples choisis. On ne trouve que 17 ou 23 % de documents contenant au moins une femme dans les supports qui pourraient présenter un personnage de l’un ou l’autre sexe dans les manuels de 5e Hatier et Hachette publiés en 2016.
En 4e : On souligne plus qu’avant l’importance d’une étude du mouvement féministe de libération des contraintes légales et sociales subies par les femmes au XIX siècle.
Le programme demande d’étudier les « Conditions féminines dans une société en mutation : Quel statut, quelle place, quel nouveau rôle pour les femmes dans une société marquée par leur exclusion politique ? Femmes actives et ménagères, bourgeoises, paysannes ou ouvrières, quelles sont leurs conditions de vie et leurs revendications ?
Les manuels traitent la question en suivant un récit féministe, sans réelles études de genres et sans théorie du genre.

Concepts utilisés dans cet article. Définitions :
Etudes de genre : observations historiques sur la manière dont une société décrit l’expression culturelle de ce qui est masculin ou féminin.
Théorie du genre : Idée selon laquelle l’adhésion à un genre « masculin » ou « féminin » est essentiellement le résultat d’un choix, suivant la phrase de Simone de Beauvoir « On ne naît pas femme, on le devient ». Cela peut conduire à des observations sur des formes de « trouble dans le genre » décrites par Judith Butler.
Idéologie du genre : Le fait de considérer l’existence d’un « trouble dans le genre » comme quelque chose de positif et de souhaitable par une « queer théory » et une « subversion de l’identité » qui déconstruise l’idée même de « féminin » et de « masculin ».

Références extraites du livre L’histoire politisée ? réformes et conséquences, Editions du Rocher, 2016.
Modèles masculins et féminins inverses des représentations sociales habituelles.
Tous les manuels étudiés ont choisi de ne présenter que des exemples de modèles d’homme ou de femme inverses des représentations habituelles.
– Le garçon qui fait de la danse, dans les manuels, c’est Billy Elliot
Lelivrescolaire.fr 6e,  2 p. 307 et ici Hatier 5e, 3 p. 342.

genre-pape-ministre-ha5-p342– Le dossier d’un manuel de 6e sur « Être une fille, être un garçon » montre ainsi deux documents sur l’inégalité des tâches ménagères, une loi sur l’égalité des droits et la non-discrimination à l’embauche et trois documents sur des inversions de modèles : fille au rugby, homme sage-femme ou père au foyer. Les questions posées sont : « Les gens sont surpris, l’êtes-vous également ?  Trouvez-vous cela normal ?
Magnard 5e pp. 306-307.
Les images de Julien, sage-femme et de Maud, grutière sont en effet placées juste avant une affiche en anglais disant « stereotype this, gender discrimination stunts potential »
Nathan 5e, 1 p. 321 ; Nathan 5e, 2 p. 321 ; Nathan 5e, p. 331[1].
Théorie du genre construit : Présence de la notion de stéréotype.
– « Stéréotypes de genre [qui] se retrouvent également dans les livres et les jouets destinés aux petits enfants ». Belin, 6e 3 p. 300.
– « On réserve aux garçons [certaines] filières,. on [leur] offre des jouets faisant appel à la réflexion et si nos jouets influençaient nos choix professionnels ? » Magnard 5e 1 p. 297.
– « Cela paraît incroyable, mais ces stéréotypes sont si puissants qu’ils enferment les filles et les garçons dans des rôles » qui sont des « idées fausses » qu’il faut combattre pour « faire toujours ce que l’on a vraiment envie de faire, tout en respectant les idées de chacune et de chacun » (reprise d’une affiche des éditions Milan, en lien avec la Ligue de l’enseignement).
Hatier 6e, p. 349.
[Dans un manuel de 3e]
« Maintenant que vous avez compris les stéréotypes de genre, réfléchissez librement à votre orientation,  élaborez un poster montrant vos futurs métiers
Lelivrescolaire.fr 3e, p. 405.
Invitation à remettre en cause les modèles habituels.
– Un dossier propose d’apprendre à « être un héros sans préjugés » pour ne pas tomber dans les stéréotypes, ces « images caricaturales que l’on se fait d’une personne ou d’un groupe ». Il part des films de Disney et Pixar où heureusement il y a des antihéros qui « sont intéressants car ils permettent de lutter contre les préjugés ». Il dit ensuite aux élèves : « Inventez une (anti) héroïne » en imitant les exemples suivants « Un garçon doit-il toujours être grand et fort ? Une fille douce et calme ? » Le résultat ressemblera peut-être à « Malika la skateuse » et l’élève aura réussi s’il a « appris à nuancer [son] point de vue » en sortant des préjugés qu’il pourrait avoir.
Lelivrescolaire.fr, 6e, p 319[2]

genre-pape-ministre-lls6-p319– Le chevalier servant doit s’excuser d’exister : un jeune homme « décide de se battre pour sauver sa bien aimée », mais « pour cela il va d’abord devoir s’engager pour sauver la planète. »
Magnard 5e p. 308.
Jugements de valeurs hostiles aux rôles traditionnels attribués aux hommes ou aux femmes. Ils sont présents dans certains manuels.
– « c’est nul les princesses  et après elle est enfermée toute sa vie. Elle fait des enfants, elle lave le linge, elle fait à manger. Elle passe son temps à se friser les cheveux. »
Hatier 5e, 1 p. 342

Très faible présence de la question homosexuelle dans les manuels.
Les manuels ont illustré dans le détail l’objectif de lutte contre le sexisme présent dans le programme. Ils sont bien plus réservés à propos de l’homosexualité. Rien dans les manuels de 6e. Dans ceux de 5e, on ne trouve que deux allusions à propos de la discrimination pour le logement Nathan 5e, 2 p. 336 : « Je ne veux pas louer mon appartement à ce genre de couple. » (Bordas 5e, p. 253 Seul le manuel Hatier de 5e insiste fortement sur la question.

[1] Les deux premières références sont corrigées par rapport au livre
[2] Référence ajoutée par rapport au livre.

A t’on enfin trouvé un manuel d’histoire féministe ?

L’image des femmes a-t-elle évolué dans ces manuels ? Elles y restent toujours aussi rares, entre 5 et 10% des documents présentant des personnages dans trois des quatre manuels de seconde publiés cette année. Le livre, L’histoire fabriquée ?, signalait qu’on ne trouvait dans les manuels de 2010 aucun exemple de femme de pouvoir ayant vécu au Moyen Age. En 2014, on a discrètement réglé le problème dans trois manuels sur quatre en citant des femmes exerçant les pouvoirs de la seigneurie, mais sans le signaler aux élèves et en oubliant toujours Aliénor d’Aquitaine ou Blanche de Castille.
Un manuel se distingue par son « féminisme » en donnant 28% de documents contenant des femmes. On y trouve, une mendiante, des corporations féminines, les lais de Marie de France chantant l’amour courtois et passionnel ainsi qu’un chevalier chaste parce qu’il se contentait d’une union légitime.

femmes moyen age manuel histoire féministe genderCes beaux exemples ce que les études de genre peuvent donner de plus intéressant sont malheureusement gâchés par deux pages relevant de l’idéologie du Gender. On y trouve Eve, des sorcières, puis une vierge à l’enfant et des exemples de chasteté avant de demander aux élèves pourquoi ce modèle est « inatteignable pour les femmes ». (Nathan Cote pp98-99).
Extrait légèrement modifié d’une chronique publiée dans le numéro de septembre/octobre de la Nouvelle revue d’histoire

La voix est libre / Radio Notre Dame : Existe t’il toujours une histoire de France ?

Mardi 26 novembre 2013.
« Existe t’il une seule histoire de France? »
Emission d’Alexandre Meyer, « La voix est libre » sur Radio Notre Dame : Jean Sévillia et Vincent Badré.
Ecouter l’émission
Thèmes et textes évoqués :

L’histoire passionnée de la France, par Jean Sévillia.

Nécessité d’un regard pluraliste sur les personnages historiques.
« Sortir de l’unilatéralisme peut être un moyen de guérir la mémoire nationale en assumant la diversité des faits [et des régions] qui la composent. Montrer que Jeanne d’Arc n’a pas seulement été une personne qui a augmenté le rôle de l’État en France, une sainte ou une fille du peuple, mais un peu de tout cela, dans des proportions difficiles à mesurer. »
Vincent Badré, dans la revue Le Débat. 

(Jeanne d’Arc, figure « de gauche », une femme du peuple victime des puissants).

Peut on retrouver des personnages « modèles »?
Dans une histoire qui n’oublie pas les actions des hommes, des saints et des saintes ou des justes, des héros et des hommes ordinaires, il est possible d’alimenter une réflexion morale sans tomber dans le moralisme.
Sans forcément approuver les choix des hommes du passé, on peut les découvrir dans leurs particularités et dans leurs aspirations.

L’ébéniste Brousse, un communard :
« Ouvrier menuisier ébéniste à l’âge de 18 ans, je quittais mes foyers pour faire mon tour de France, travaillant le jour, étudiant la nuit : l’histoire, voyages, philosophie, économie sociale et politique, …. Arrivé à Paris en 1864, je m’établis deux ans après ébéniste réparateur 2, rue Joquelet, J’occupais 1 à 3 ouvriers, je les payais 50 c. par jour plus cher que le prix officiel et je leur faisais la propagande par-dessus le marché. J’ai pratiqué l’association tant que j’ai pu. » Source : Cliotexte.

Blaise Cendrars, suisse et engagé volontaire dans la première guerre mondiale:
Des étrangers amis de la France, qui pendant leur séjour en France, ont appris à l’aimer et à la chérir comme une seconde, patrie, sentent, le besoin impérieux de lui offrir leurs bras.
Intellectuels, étudiants, ouvriers, hommes valides de toutes sortes – nés ailleurs, domiciliés ici – nous qui avons trouvé en France la nourriture de notre esprit ou la nourriture matérielle, groupons-nous en un faisceau solide de volontés mises au service de la plus grande France.
Source : Appel aux étrangers vivant en France.

Femmes dans les nouveaux manuels d’histoire, les lois suffisent elles pour émanciper ?

Actuellement, c’est la loi qui assurerait l’émancipation, mais on n’arrive pas à le montrer. Pour les manuels, l’émancipation des femmes se fait par l’égalité devant la loi plus que par la diversification des trajectoires personnelles. On y trouve cinq documents sur des manifestations féministes, huit sur des militantes connues, Hubertine Auclert, Louise Weiss et Simone de Beauvoir et treize textes de lois ou de débats sur le droit de vote des femmes. Le résultat de cette émancipation politique est bien moins souligné. On ne voit qu’une photo des femmes sous secrétaires d’Etat du Front populaire en 1936. Deux photos de femmes votant et un graphique sur leur nombre parmi les députés prennent en compte l’ouverture politique. La parité des mandats est présentée deux fois, sans montrer qu’elle divise les féministes. La situation actuelle des femmes après ces lois est très peu montrée, avec quelques statistiques, un texte sur un autre sujet et deux photos.

Image Manuel Hatier, 1e, 2013

Manuels d’histoire, ils insistent sur la soumission des femmes des des XIXe et début du XXe siècle

En dehors de quelques femmes militantes, les exemples choisis par les manuels ne décrivent que les conditions ordinaires des femmes de condition modeste : deux paysannes, sept documents décrivant des ouvrières, deux institutrices, une vendeuse et une dactylo. Epouse, mère et ménagère à la maison dans le cours du XXe siècle, la s’émancipe un peu avec un dossier sur « la féminisation du métier d’avocat. ».

L’image qui est donnée est celle de l’ordinaire et des conditions moyennes, en oubliant les fortes personnalités qui sont sorties de la résignation et ne se sont par contentées d’un rôle limité. Les manuels ni disent rien sur les militantes des mouvements ouvriers, sur les veuves entrepreneures du XVIIIe ou XIXe siècle qui dirigent l’entreprise de leur mari après sa mort, sur les femmes missionnaires au bout du monde ou sur celles qui se sont engagées en politique au sens large , la duchesse d’Uzès ou Louise Michel.

Image.

Correspondance historique : Margaret Thatcher, une icône féministe oubliée ?

Dans les manuels actuels, le rejet de la relégation par le XIXe siècle des femmes dans la sphère domestique et la dimension sentimentale ne peut se faire que d’une seule manière.

Tous les nouveaux manuels d’histoire de première mettent en avant les intellectuelles féministes de la seconde moitié du XXe siècle, Sept fois sur huit avec Simone de Beauvoir et une fois avec Françoise Giroud.
Seule la moitié d’entre eux montrent aussi d’autres modèles féminins avec une avocates, une académicienne, une aviatrices, des ouvrières du début du XXe siècle, des infirmières ou des syndicalistes.
Pas de femmes de pouvoir, à part Edith Cresson, premier ministre français, qui n’a pas vraiment réussi à s’imposer.

Il n’y a pas un seul manuel pour citer Margaret Thatcher ou une autre femme à poigne comme Golda Meïr ou Indira Gandhi dans le chapitre sur l’émancipation des femmes. Ces femmes n’étaient certes pas féministes, mais elles ont voulu et su montrer qu’elles pouvaient gouverner avec autant d’énergie et de détermination que des hommes.

L’histoire fabriquée dans Famille chrétienne : les chrétiens dans les manuels d’histoire

Comment les manuels scolaires présentent-ils les origines du christianisme ? Un seul manuel de 6e montre que l’archéologie confirme des éléments des Evangiles. Un autre introduit au contraire le doute en décrivant la vie de Jésus en sept phrases avec sept conditionnels. Le credo, est majoritairement déformé en coupant le passage « vrai Dieu et vrai homme ». Quant à l’enseignement du Christ, il est présenté de manière vague et compatible avec la morale dominante. On parle d’amour, d’espoir, de fraternité, et de rejet des richesses. Il n’est pas question du péché et du pardon.
Et l’histoire de l’Eglise ? Vue par les manuels elle ne mentionne pas les saints (ce qui est typique d’une tendance actuelle à l’oubli des personnages.  Jean-Paul II est très peu cité. Un seul manuel, le Hachette Lambin de 1e montre bien comment il a aidé la Pologne à sortir du communisme.
Le christianisme est vu comme une institution, pas comme une pratique. Charlemagne construit des églises, mais dont ne montre jamais ce qui s’y passe, on ne voit ni les aumônes, ni les prières, ni les chants grégoriens. L’Eglise est présentée comme un système de contrôle social. Prêtres et d’évêques auraient contrôlé la société du Moyen Age par la peur de l’enfer.
Presque rien sur les laïcs chrétiens : leur rôle dans l’invention de lois sociales comme le salaire minimum, les conventions collectives ou la cogestion allemande est passé sous silence.
Et les guerres de Vendée ? Elles sont évoquées de manière très édulcorée. On sous estime le nombre de morts et les atrocités de ce conflit.
Comme souvent on montre des faits sans chercher à en expliquer les causes. Un seul manuel montre que les Vendéens se sont révoltés contre un Etat révolutionnaire qui les avait privés de leurs prêtres catholiques. Ne pas expliquer leurs motivations donne l’impression qu’il s’agissait d’un soulèvement réflexe et que les chrétiens réagissent sans réfléchir.

Napoléon n’était pas un chef de guerre dans les manuels d’histoire

Ce qui manque aux manuels actuels, c’est l’enseignement de l’expérience militaire. Celle des souffrances des soldats, mais aussi celle de l’habilité de ceux qui la font avec talent.Les manuels montrent Napoléon, mais oublient que c’était aussi un chef de guerre. On ne le voit pas avec ses soldats, dans la bataille. Plans de batailles et récits militaires représentaient 40% des documents sur Napoléon dans un manuel de 1987 et 2% dans les manuels publiés en 2010.Qu’on soit d’opinion pacifiste ou fana-mili, la guerre est une réalité de l’histoire et quand on s’y trouve engagé, il vaut mieux savoir comment la conduire. Comme le dit Dimitri Casali, il faut rendre à l’histoire ses héros et ses personnages extraordinaires.

Homosexualité dans les manuels scolaires en débats

Il y a de nombreuses réactions suite aux déclarations de Najat Vallaud Belkacem qui demandait que les manuels signalent l’homosexualité de certains des auteurs qu’ils citent, au risque de l’anachronisme et de la déformation de l’histoire.
Gérard Leclerc critique sur Radio Notre Dame dans son éditorial (son) la présentation anachronique qui est faite des oeuvres de Proust ou de Rimbaud, et le fait qu’on oublie la fin de la vie de celui ci, parti dans les déserts d’Abissynie, et vivant avec une femme. Il ajoute « Nos lycéens vont-ils être invités à réfléchir à ce changement d’orientation au risque d’un réel trouble dans l’idéologie LGBT ? » il y voit « une intervention violente en littérature et en histoire. »
Dans le Grand Témoin de Radio Notre Dame (son), Philippe Ariño rappelle brièvement que s’il fallait parler du sujet de l’homosexualité d’écrivains il faudrait aussi en rappeller la face sombre et violente, ou le fait que Marcel Proust était aussi actionnaire d’un bordel homosexuel.
LCI présente la dépêche et une réaction de parent d’élève

L’article de la chaîne d’information continue cite le militant homosexuel Louis Georges Tin pour qui il faudrait parler des pratiques homosexuelles d’auteurs ou de personnages historiques car « On vous parlera de Louis XIV et de ses maîtresses, moins de tel autre roi et de ses amants. » comme « Henri III [qui] a été assassiné est parce qu’il a été considéré à tord ou raison comme homosexuel. ». Ceci n’est pas exact pour Henri III assassiné pour avoir tué le chef de la Ligue catholique et brisé les Etats Généraux de 1588 qui voulaient réduire son pouvoir. (Histoire fabriquée pp 81-83)
C’est inexact aussi car les manuels ne parlent plus du tout des amants et des amantes ou même des épouses. Leurs personnages sont devenus des épures asexuées qui ne sont même plus « hétérosexuelles ».
Le philosophe Thibaud Collin crique au contraire un risque d’anachronisme et de réduction de la complexité des choses:  » Il est effectivement difficile de parler de Proust sans parler de son homosexualité mais de réduire un auteur ou un personnage à cela, sûrement pas ! Vouloir projeter sur l’œuvre de Rimbaud, exemple donné par Najat Vallaud-Belkacem, cette identité gay est extrêmement réducteur. »

Vallaud Belkacem, les manuels et l’homosexualité, au risque d’oublier l’histoire

Le ministre de la condition féminine estime qu’il faut « passer en revue » les manuels scolaires à propos de l’homosexualité, dans un entretien au magazine Têtu. « Aujourd’hui, ces manuels s’obstinent à passer sous silence l’orientation LGBT (lesbienne, gay, bi et trans) de certains personnages historiques ou auteurs, même quand elle explique une grande partie de leur oeuvre comme Rimbaud »

Son constat est juste. Les manuels d’histoire ne parlent jamais d’homosexualité.
En fait ils ne parlent jamais de sexualité en général. On ne signale pratiquement jamais dans les manuels si les personnages évoqués ont une vie sexuelle quelconque et si cela a joué un rôle dans leur vie.

Le risque de l’enquête qu’évoque le ministre de la condition féminine pourrait être de mener à une déformation des travaux des historiens et a des anachronismes massifs.
Les gestes de Rimbaud ou ceux qu’on peut voir sur bien des céramiques grecques de l’antiquité n’avaient pas forcément le sens que la communauté homosexuelle actuelle peut leur donner.
« Pour les Grecs anciens, le terme de pédérastie désignait des relations amoureuses sans nécessairement être sexuelles entre un ou une adulte et un adolescent. L’historien Bernard Sergent y voit un élément de rites aristocratiques de passage à l’âge adulte. Pour l’essayiste Jean-Claude Guillebaud, la Grèce n’était pas pour autant un monde de liberté sexuelle qui aurait ensuite été détruit par le puritanisme chrétien. Les tabous antiques n’étaient ni ceux de la Bible, ni les nôtres. L’historien Paul Veyne affirme que les païens de l’Antiquité n’ont pas « vu l’homosexualité d’un œil indulgent » car ils ont laissé des textes qui critiquent des relations sexuelles entre personnes de même sexe, mais « ils ne l’ont pas vue comme un problème à part », car la notion d’homosexualité n’existait pas. Les tabous de l’époque leur faisaient par contre considérer que le fait pour un homme libre, être un partenaire passif était une honte sans appel. » (Histoire fabriquée pp 29-30)
Il faudrait qu’il soit possible d’avoir une vision nuancée et plurielle des travaux historiques menés sur le caractéristiques et les identités des hommes et des femmes. Aboutir à une véritable connaissance de cette histoire serait certainement plus constructif pour les élèves et plus respectueuse de la réalité, de leurs opinions et de leurs choix personnels.

L’histoire Fabriquée ? sur France Inter 5 7 de Laurence Garcia 15 09 12

Comment conjugue-t-on le verbe « rêver » au passé simple, au présent impatient et au futur incertain ?
C’était mieux avant ou ce sera mieux demain ? Voilà pour le programme de notre assiette anglaise du petit matin.
 « L’histoire fabriquée ? Ce qu’on ne vous a pas dit à l’école », c’est le dernier pavé dans la mare de l’Histoire, signée Vincent Badré. Et il connaît bien son sujet, ce prof d’histoire géo qui s’attaque à la bible de l’historien : le fameux manuel. Des manuels trop politiquement corrects qui ne disent pas toujours toute la vérité. Voilà pour l’invité polémique à 6h20.
A écouter ici, et là :

avec une dédicace spéciale pour Grace Hopper, informaticienne et contre amiral de la marine américaine

Femme d’action et d’influence; c’est presque femme des années 80 et général d’infanterie que chantait Sardou.