Homosexualité dans les manuels scolaires en débats

Il y a de nombreuses réactions suite aux déclarations de Najat Vallaud Belkacem qui demandait que les manuels signalent l’homosexualité de certains des auteurs qu’ils citent, au risque de l’anachronisme et de la déformation de l’histoire.
Gérard Leclerc critique sur Radio Notre Dame dans son éditorial (son) la présentation anachronique qui est faite des oeuvres de Proust ou de Rimbaud, et le fait qu’on oublie la fin de la vie de celui ci, parti dans les déserts d’Abissynie, et vivant avec une femme. Il ajoute « Nos lycéens vont-ils être invités à réfléchir à ce changement d’orientation au risque d’un réel trouble dans l’idéologie LGBT ? » il y voit « une intervention violente en littérature et en histoire. »
Dans le Grand Témoin de Radio Notre Dame (son), Philippe Ariño rappelle brièvement que s’il fallait parler du sujet de l’homosexualité d’écrivains il faudrait aussi en rappeller la face sombre et violente, ou le fait que Marcel Proust était aussi actionnaire d’un bordel homosexuel.
LCI présente la dépêche et une réaction de parent d’élève

L’article de la chaîne d’information continue cite le militant homosexuel Louis Georges Tin pour qui il faudrait parler des pratiques homosexuelles d’auteurs ou de personnages historiques car « On vous parlera de Louis XIV et de ses maîtresses, moins de tel autre roi et de ses amants. » comme « Henri III [qui] a été assassiné est parce qu’il a été considéré à tord ou raison comme homosexuel. ». Ceci n’est pas exact pour Henri III assassiné pour avoir tué le chef de la Ligue catholique et brisé les Etats Généraux de 1588 qui voulaient réduire son pouvoir. (Histoire fabriquée pp 81-83)
C’est inexact aussi car les manuels ne parlent plus du tout des amants et des amantes ou même des épouses. Leurs personnages sont devenus des épures asexuées qui ne sont même plus « hétérosexuelles ».
Le philosophe Thibaud Collin crique au contraire un risque d’anachronisme et de réduction de la complexité des choses:  » Il est effectivement difficile de parler de Proust sans parler de son homosexualité mais de réduire un auteur ou un personnage à cela, sûrement pas ! Vouloir projeter sur l’œuvre de Rimbaud, exemple donné par Najat Vallaud-Belkacem, cette identité gay est extrêmement réducteur. »

Vallaud Belkacem, les manuels et l’homosexualité, au risque d’oublier l’histoire

Le ministre de la condition féminine estime qu’il faut « passer en revue » les manuels scolaires à propos de l’homosexualité, dans un entretien au magazine Têtu. « Aujourd’hui, ces manuels s’obstinent à passer sous silence l’orientation LGBT (lesbienne, gay, bi et trans) de certains personnages historiques ou auteurs, même quand elle explique une grande partie de leur oeuvre comme Rimbaud »

Son constat est juste. Les manuels d’histoire ne parlent jamais d’homosexualité.
En fait ils ne parlent jamais de sexualité en général. On ne signale pratiquement jamais dans les manuels si les personnages évoqués ont une vie sexuelle quelconque et si cela a joué un rôle dans leur vie.

Le risque de l’enquête qu’évoque le ministre de la condition féminine pourrait être de mener à une déformation des travaux des historiens et a des anachronismes massifs.
Les gestes de Rimbaud ou ceux qu’on peut voir sur bien des céramiques grecques de l’antiquité n’avaient pas forcément le sens que la communauté homosexuelle actuelle peut leur donner.
« Pour les Grecs anciens, le terme de pédérastie désignait des relations amoureuses sans nécessairement être sexuelles entre un ou une adulte et un adolescent. L’historien Bernard Sergent y voit un élément de rites aristocratiques de passage à l’âge adulte. Pour l’essayiste Jean-Claude Guillebaud, la Grèce n’était pas pour autant un monde de liberté sexuelle qui aurait ensuite été détruit par le puritanisme chrétien. Les tabous antiques n’étaient ni ceux de la Bible, ni les nôtres. L’historien Paul Veyne affirme que les païens de l’Antiquité n’ont pas « vu l’homosexualité d’un œil indulgent » car ils ont laissé des textes qui critiquent des relations sexuelles entre personnes de même sexe, mais « ils ne l’ont pas vue comme un problème à part », car la notion d’homosexualité n’existait pas. Les tabous de l’époque leur faisaient par contre considérer que le fait pour un homme libre, être un partenaire passif était une honte sans appel. » (Histoire fabriquée pp 29-30)
Il faudrait qu’il soit possible d’avoir une vision nuancée et plurielle des travaux historiques menés sur le caractéristiques et les identités des hommes et des femmes. Aboutir à une véritable connaissance de cette histoire serait certainement plus constructif pour les élèves et plus respectueuse de la réalité, de leurs opinions et de leurs choix personnels.